Moment de vie pêché à l’épuisette : n°1 - Noé
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Moment de vie pêché à l’épuisette : n°1

Je crois que ce qui m’a pris le plus de temps pour ce post au final,c’était de trouver comment le commencer. Je sais pas pourquoi, ça doit être un manque de confiance lié à la prise de confiance de ma plus en plus flagrante stupidité et de mon manque de culture inouï, mais je voyais là une nécéssité d’introduire le propos par une référence, à la fois pop, un peu marrante, mais qui reste quand même dans un cadre d’ « intellect culturelbien pensant ». Je sais pas pourquoi, j’ai ce besoin là de paraître intelligent, je peux pas me contenter de la sobriété,j’ai toujours besoin de briller en société, (c’est pareil dansla vraie vie), montrer que je connais des choses cools, qu’elles soient niches, ou bien que ce soit des choses « à connaître » selon les dogmes sociaux et culturels des gens cools. Ce serait peut-être intéressant de faire un article (collaboratif ?) sur notre vision du cool. Ca me rappelle une rubrique d’un magazine genre les Inrocks, qui s’appelait « Où est le cool » et établissait un baromètre de la hype. Tout ça pour dire que ce soir, j’ai cherché une référence sympa pour commencer un post, du genre lancement publicitaire, ou début célèbre, d’un film d’un livre, un truc que je connais quand même, pour ne pas être à un niveau d’imposture hors-sol en citant un truc que je connais pas pour avoir l’air intello. Je trouve enfin ! Good Morning England (The boat that rocked en VO), bah ouais, j’adore ce film et il y a des sortes de lancements radios faits par les différents protagonistes (je ne veux pas trop dévier de sujet mais ce film est super, on suit le quotidien d’une dizaine d’hommes (et une femme! Peut-être pas un exemple parfait d’un film féministe malheureusement…) sur un bateau en pleine Mer du nord, dans les années 70, alors qu’au Royaume-Uni, la musique rock est interdite de diffusion, des « pirates » passent 24h/24 durock’n’roll). Ainsi voici mon lancement pour les lecteurs et lectrices :

« Il est neuf heures du soir et tous les cul-cirés de la planète sont vautrés dans leurs pantoufles en sirotant leur xérès, mais pendant ce temps là ceux qui aiment le rock’n roll vont encore une fois monter dans le grand huit du rock ! Vous écoutez radio rock, Je suis le comte et je compte sur vous pour le compte à rebours vers l’extase, All day, and all of the Night »

J’espère sincèrement que comme moi, vous trouvez que ça en jette. A part ça, je sais ce que vous vous dites, « toujours ce même style vaseux et ces longueurs.. » Et je n’oserais vous contredire : voilà bien longtemps que je parle sans être entré dans le vif du sujet : mais que voulez vous, quand on passe d’un post par semestre, à un tous les 10 jours, il faut savoir broder, se faire désirer…

Evidemment, avant de commencer, pour que cela vous paraisse un tant soit peu cohérent, je vous renvoie à la lecture de mon prélude si ce n’est pas déjà fait.

Le premier souvenir que j’aimerais vous raconter, c’est celui d’une journée vécue il n’y a pas si longtemps, c’est étonnant d’en parler là parce qu’au final j’en garde pour le moment une trace plus ou moins intacte dans les tiroirs/couloirs de mon crâne. Je vais essayer de le raconter avec fidélité, sans rien exagérer, certain.es trouvent que j’ai tendance à maxer un peu les anecdotes et ça les agace. Ils ont raison, c’est souvent vrai. Mais dans cette mégalomanie folle qui me pousse à écrire, je fais un pacte avec vous lecteur.ices, tout ce que je raconte sur ce blog est 4real.

1er Mai 2025. Mes ami.es qui partagent mes convictions manifestent et ils ont bien raison, je ne sais toujours pas pourquoi je ne suis pas avec eux. Je passe la journée seul à Paris, mon amoureuse (avec qui j’ai la chance d’habiter!) est au travail, elle est appelée pour jouer la 3ème symphonie de Gustav Mahler en temps que clarinette solo à l’orchestre de la Monnaie de Bruxelles sous la direction d’Alain Altinoglu, quelle chance ! Quelle œuvre magnifique.. Je ne suis pas jaloux d’elle, seulement fier. Je suis dans un état plutôt léger, serein, presque désinvolte. Côté professionnel/études, je me sens bien. Moi qui était persuadé d’être nul à chier en trompette, je me suis retrouvé au second tour du concours d’entrée au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (CNSM), on était une cinquantaine au début, puis 16, ils en ont gardé 4, j’étais pas dedans, je me dis que ce n’est que partie remise et que jamais je n’aurais imaginé passer le premier tour c’est déjà une chance, le concours est réussi pour moi. Pour vous donner une idée, je travaillais mon programme depuis fin octobre, pour un concours le 25-27 février, jouer mon second tour permettait de restituer plusieurs mois de travail sur les 2 pièces du second tour qui auraient été vains en cas d’échec au premier. Après ça, je fais un flop monumental au CNSM de Lyon, trop fatigué. C’était deux semaines après, nouveau programme à monter, bon état d’esprit, mais pas les moyens techniques de mes ambitions.

Pas d’entrée en école supérieure l’année prochaine, retour à la case CRR de Paris. Enfin 1er Avril, ce n’est pas un poisson, je réussis le dernier concours que je fais cette année, la finale de l’Orchestre Français des jeunes. Un post sur cette expérience est dans les tuyaux, mais pour vous donner une idée, j’apprends que je passerai mon mois d’Août dans un des plus beaux orchestres de jeunes du monde, et que nous ferons une tournée à Berlin, Amsterdam, Santander en Espagne, Paris, Bruxelles, pour y jouer des œuvres magnifiques. Pour rappel, c’est pour le métier d’orchestre que je destine ma carrière de musicien. Je suis comblé. Nous partons 1 semaine à Londres à la mi-avril avec mon amoureuse, on peut se le dire, j’ai une vie qui fait rêver.

C’est dans ses circonstances que je me réveille le 1er Mai, c’est férié alors j’ai fait une grasse matinée, je crois qu’il fait assez beau, et mon appartement traversant est plein delumière. Comme j’ai rien de prévu, personne à voir, je décide d’aller au cinéma, j’aime bien me balader dans le 5-6ème et ces eaux-là, où se trouvent plein de cinés indépendants qui passent des vieux films. La rue Champolion, où on peut trouver la filmothèque du quartier latin, le champo, vers Odéon, à côté des gros magasins Gibert Joseph où j’aime bien acheter des bd d’occasion. Mais aussi et surtout le « Christine » vers le pont neuf, en particulier parce que ça sent la fleur d’oranger. C’est l’odeur de mon enfance, pour aller du côté de chez Proust, ça me fait penser aux crêpes, aux gaufres, aux beignets, et sûrement plein d’autres trucs, ma mère en met partout et j’aime ça.

Ce jour là, je vais au Christine, pour la fleur d’oranger, et pour The darjeeling Limited, de Wes Anderson. J’adore ce réalisateur, et le simple fait d’évoquer mon rapport à Moonrise Kingdom mérite un post entier dans cette rubrique des moments de vie. Alors oui je sais, c’est pas très niche, et certains de mes potes aigris (M dans les posts de Maxime), (Je suis N), qui pensent que chez Wes Anderson la forme prime sur le fond, trouvent ça naze. Moi j’aime bien Wes Anderson, ce sont de belles histoires, et la forme (gnagna toujours pareil symétrique colorimétrie vive, illustre avec naïveté et poésie le propos). Il me semble avor vu des petits bouts de ce film très jeune sur un DVD emprunté à la médiathèque, j’avais genre 7 ans et je garde le souvenir que ça m’avait fait pas mal chier. En le voyant, j’aime énormément, je me prends une claque et j’ai quelques larmes à la fin, c’est un beau film sur la famille, le rapport à la fraternité, je projette ma fraterie et celles des autres et compare pour en tirer des conclusions. Le film est magnifique. Quelques jours auparavant, Chems me parle de son projet de blog, et on peut voir les premiers posts datant du 27-28 avril. Je me dis que je commencerai peut-être par une critique du film qui m’a beaucoup plu, mais j’ai aucune légitimité ou compétence pour le faire, j’ai peur que Maxime trouve ça nul, pour Chems, pas trop inquiet, je sais qu’il valorisera n’importe quelle tentative de post sur son projet naissant, content que je monte dans navire. C’est là que je me dis que plutôt que de parler du film, je vais parler du contexte dans lequel j’ai vu le film : de l’odeur de fleur d’oranger rue Christine, de la vieille anglaise qui rigolait super fort à côté de moi, qui m’énervait au début puis que j’ai rejoint dans la rigolade ensuite, de ma sérénité préalable, de la traversée du pont neuf pour venir, de mes craintes quant à une critique sur le film et tout ça. En sortant je propose à Oriane, une bonne amie à moi de boire un coup. En attendant sa réponse, je vais voir le prochain film programmé, Persona de Bergman. Olalalalah, le bousin… J’aimerais dire que c’était génial et que j’ai adoré (j’ai mis 5 étoiles Letterboxd quel culot), mais franchement j’ai été pas mal mal à l’aise pendant le film, mais j’ai beaucoup aimé ce que j’ai cru comprendre, c’était assez marrant, parce qu’il y a beaucoup de silence dans le film, et dans la salle d’à côté était projeté In the Mood For Love de Wong Kar Wai, un de mes films préférés. Du coup, on entendait pendant Persona, la musique très récurrente d’In the Mood for Love haha, ça donnait encore plus de relief au film, ça brisait le 4ème mur en quelque sorte. Je suis bouleversé à la fin de Persona, je sais pas si c’est un des meilleurs films que j’ai vu, si j’ai rien compris ou si j’ai détesté. Je me sens idiot, alors pour pallier à cette frustration, je m’asseois sur un trottoir et je lis des analyses du film, des critiques, je me renseigne sur Bergman, sur les actrices,sur le lore du tournage, la réception, ça dure une demi-heure puis deux, trois… Avant de m’asseoir par terre, en sortant du ciné je croise un mec et me dit : tiens c’est marrant il ressemble beaucoup à Theorus ce mec, (un streamer qui fait partie d’un collectif que j’aime beaucoup) je me rends compte que c’est lui, il est avec sa copine, je ne lui dis pas bonjour je ne veux pas les déranger. Bergman est complètement mystique et tout ce qui s’est passé après le film flirte dangereusement avec la frontière réalité/fiction du film, comme une allégorie de sa propre œuvre, tout est complètement malsain, je vous invite à vous renseigner,voir le film pour vous faire votre propre idée, je suis vraiment incapable d’en faire une critique ! Après une heure et demie assis par terre, Oriane n’est pas dispo ce soir.

Et c’est là le point clé qui m’a donné envie de faire ce post et qui justifie son intérêt selon moi.

Il est 19h00, je suis en plein centre de Paris, c’est férié, je n’ai aucun impératif lié à mes études/travail, ni aucun impératif social puisque mon amoureuse étant à Bruxelles, et mes ami.es (à savoir Oriane ce soir là) ne sont pas disponibles, je me retrouve vide de déterminismes de mouvement. J’insiste sur cette notion qui se doit d’être dévelopée : après Persona, puis 1h30 à décortiquer Bergman, je n’ai aucun impératifs, mais aucune envie. Et j’en prends conscience. Je ressens alors initialement une lourde solitude qui se transforme rapidement en une sérénité contemplative. Je me sens irésistiblement libre, non pas que je sois emprisonné par mes obligations personnelles, sociales ou conjugales, mais ce jour là, je le sais, j’étais un atome dans la foule, comblé. Je prends conscience de ma situation professionnelle et personnelle exposée au début et j’atteins une forme de plénitude totale. Je suis sur le Pont Neuf, et j’ai le temps. Pourquoi faire ? Je n’en ai aucune idée, mais j’ai le temps, j’écoute les passants qui passent, et il y une belle vue, j’écoute sûrement une chouette playlist. Je m’ennivre de cette absence de trajectoire que je perçois de plus en plus rare dans mes souvenirs, et mon envie devient le faire de ne pas avoir d’envie. Je n’ai pas envie de rien, j’ai envie de ne pas être soummis, rentrer chez soi machinalement, manger etc, non j’ai envie d’avoir aucune envie et demeurer au repos serein. C’est un de mes seuls souvenirs de cette sensation que je souhaite à n’importe qui de connaître un jour. Voilà ce qui mérite le post selon moi.

Je suis tiré de ma plénitude par le regret doux-amer de n’avoir rien dit à Theorus, j’aurais a moins pu lui faire une blague… Je retourne au cinéma, avec un peu de chance je le choppe à la sortie ? J’hésite. Au bout de 5 minutes, il sort de la salle avec sa copine, je les aborde une seconde, ils sont très gentils. Je le check et lui dis « désolé pour les mains moites » et il me répond «on échange les fluides » on rigole tous les trois et je les laisse tranquilles, la seule frustration de la journée est partie plus vite qu’elle n’est arrivée, et j’ai recontré un mec que j’adore. Je veux prendre le métro pour rentrer chez moi, j’entends une fanfare le long des quais qui joue du funk jazz, je jette un coup d’oeil. Ils jouent une vingtaine de minutes, je comprends que c’est un groupe pro qui répète, ils sont hyper forts. Je me régale de leur musique, puis d’un kebab du quartier latin, et je rentre chez moi, convaincu que cette journée que tout annonçait banale me fera une belle histoire à raconter.

A bientôt !

Noé

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